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C’est le 15 avril 1736 que le Couvent d’Alesani connu un événement historique majeur qui résonna aux quatre coins de l’ile. Celui du couronnement du premier et unique Roi de Corse, Theodore de Neuhoff.

C’est l’histoire d’un baron issu de la vieille noblesse allemande, certes titré mais peu fortuné. Né en 1694, il officie dès 17 ans au service de diverses cours d’Europe. En Suède, en Bavière ou en Espagne, il occupe des fonctions qui font dire à son biographe, André le Glay, que Neuhoff était « l’homme des antichambres et des cabinets secrets et non des champs de bataille ». Il le présente également, moins à son honneur, comme « le jouet des puissances européennes ».

Theodore de Neuhoff est un personnage intriguant, aventurier sans nul doute, qui serait entré en contact avec des chefs de la rébellion insulaire, en exil à Livourne en 1733. Nous sommes alors dans cette période charnière de l’histoire de Corse, alors territoire de la République de Gênes. Une période allant des premières révoltes paysannes de 1729 jusqu’à la défaite de Ponte Novu en 1769, durant laquelle la Corse bâti sa brève indépendance. En 1733, la révolte Corse peine cependant à tenir face à la répression génoise, les possibilités de soutien extérieur s’amenuisent.

Aussi, lorsque Theodore de Neuhoff débarque à Aleria le 17 mars 1736, chargé d’armes et de munitions, et se déclare prêt à soutenir la révolte insulaire, il acquit la population à sa cause. Cela en dépit d’une requête des plus improbables : être fait Roi de Corse. Le destin de l’ile passait par « un coup d’éclat pour intéresser les cours européennes », avait déclaré Ghjacintu Paoli. Le couronnement de Theodore de Neuhoff le fut assurément.

Le 15 avril 1736, au Couvent d’Alesani, Theodore de Neuhoff devint Theodore 1er. La constitution d’Alesani fut adoptée. Ses 16 articles instaurèrent une monarchie conventionnelle limitée, répartie entre le souverain d’un côté et de l’autre la Diète (composée de 24 membres). Cet accord, que l’on retrouve dans les mémoires de Sebastiano Costa, grand chancelier du Roi, présente un pouvoir équilibré entre le souverain et les représentants du peuple, pensé pour empêcher toute dérive vers une monarchie absolue.

Le règne de Theodore 1er n’eut cependant pas l’opportunité de se rêver comme absolu, s’il l’eut été. Face aux difficultés qui ne faiblissent pas et aux promesses qu’il ne parvient à tenir, Theodore de Neuhoff embarque le 11 novembre 1736 vers le continent, dans l’espoir de trouver de nouvelles alliances. Il ne foula plus jamais la terre Corse, en dépit de deux tentatives de débarquement en 1738 et 1743.

Désavoué en Europe, emprisonné en Angleterre pour dettes, il mourut dans le dénuement à Londres en 1756, clôturant ainsi un moment de l’histoire de Corse aussi bref que marquant.

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